Chaque jour, il ausculte et bichonne son hectare de verdure, un oeil rivé au ciel, l'autre sur le calendrier des matches et des concerts. Olivier Pernet, 45 ans, veille depuis 2003 sur la surface engazonnée la plus célèbre de l'Hexagone: la pelouse du Stade de France.
"Pour avoir un terrain de qualité, il ne suffit pas de passer la tondeuse. Il faut tenir compte des changements de climat, de l'ensoleillement, des maladies...", prévient, depuis les travées du stade de Seine-Saint-Denis, ce père de famille affable et énergique.
A quelques mètres en contrebas, des camions s'activent autour du vaste tapis vert pour préparer l'enceinte à une rencontre d'importance. "La pelouse est un élément fragile", insiste le quadragénaire, en observant le lent ballet des véhicules. "On n'est jamais à l'abri d'un pépin ou d'un faux pas".
Cheveux cendrés, regard bleu clair, le responsable du service multitechnique du Stade de Francen'avait pourtant, à l'origine, aucune prédilection pour l'entretien des espaces verts, encore moins pour la gestion des pelouses sportives.
"Quand je suis arrivé en 1998, c'était pour m'occuper du stationnement", raconte cet autodidacte, sorti du système scolaire à l'âge de 14 ans. "Mais quand le chef jardinier a pris sa retraite, en 2003, on m'a proposé de le remplacer. Je me suis alors formé sur le tas, avant son départ".
Le pli du jardinage, depuis, a été pris. Le fruit d'un travail de "patience", basé sur "l'expérience de terrain". "Ici, on a une gestion de la pelouse atypique, liée à la nature polyvalente de l'enceinte. Ce n'est pas comme dans un stade de Ligue 1", observe le technicien.
Piétinée par les fans lors des concerts de Muse ou de Lady Gaga; labourée par les Bleus durant les matches de football; massacrée par les piliers du XV de France lors du Tournoi des Six Nations... La pelouse du Stade de France est, de fait, soumise à toutes les agressions.
"Pour les concerts, on installe des plaques sur le gazon", explique Olivier Pernet. Translucides, et légèrement alvéolées, ces dernières laissent en partie passer l'air et la lumière, "pour ne pas que la pelouse soit étouffée".
Après les matches, place aux actions de chirurgie réparatrice, comme le "repiquage" et le "replacage". "Si besoin, on lui donne du fer, pour la couleur, et des oligo-éléments, pour la nourrir", détaille-t-il.
Une mini-centrale météorologique permet en outre de détecter les carences en ensoleillement, dûes à l'ombre portée du toit sur le gazon. "En cas de déficit, on traite la pelouse par luminothérapie, avec des lampes posées sur des rampes mobiles", indique le quadragénaire.
Ce traitement de faveur a un coût: 300.000 euros annuels, sans compter les frais liés à l'installation d'une nouvelle pelouse, de l'ordre de 150.000 euros. "Les plaques de gazon sont cultivées en gazonnière. En général, on les change une fois par an, mais ça peut être plus".
Restent les accidents climatiques, parfois problématiques. En février 2012, un match de rugby France-Irlande avait ainsi dû être reporté à la dernière minute, pour cause de terrain gelé. Un souvenir douloureux pour le jardinier en chef du Stade de France.
"Nous avions rempli notre cahier des charges, qui était de rendre une pelouse praticable à un instant T. C'était une décision de l'arbitre, un choix subjectif de sa part", assure Olivier Pernet, qui dit avoir fait de la météo une véritable "obsession".
"Ma page d'accueil, sur internet, c'est Météo France", confie le technicien. "Même en vacances à l'autre bout du monde, je ne peux pas m'empêcher de regarder le site: c'est addictif !"
SOURCE : AFP - SAINT-DENIS (Seine Saint Denis), 11 oct 2012